BREVE DE LISTE
THEME:
UTOPIE ET GRANDS PROJETS URBAINS DU XXème SIECLE


(Synthèse effectuée par Julien Mahoudeau)

Cette page est une synthèse d'une discussion échangée en Janvier 2000 sur la liste hga@cines.fr, à laquelle ont participé de nombreux historiens de l'art.

-L'objectif de cette synthèse n'est en aucun cas de publier un article préparé, travaillé et rédigé, mais de présenter le résultat d'échanges "sur le vif" dont le contenu méritait d'être mis en valeur.  Ce coté d'instantanéité doit être bien compris, et il ne s'agit de rien d'autre que de faire partager les connaissances que chacun apporte par sa participation à la liste. Chaque personne dont le message est reproduit a expressément donné son accord pour cette publication, et les droits de propriété intellectuelle et de copyright s'appliquent pour le contenu de chacun des messages reproduits.

-Chaque message est identifié par son titre et son numéro de réponse (R) à la question première (Q), ainsi que par une copie de l'objet, de la date, du nom et  de l'adresse e-mail de l'auteur. A l'intérieur des messages, lorsque des références directes sont faites au contenu d'un autre message, un lien/numéro (R_) vous permet de vous reporter au message cité.

-L'ordre des messages est chronologique, respectant l'ordre des envois originaux sur la liste hga@cines.fr

Participants:

Véronique LEVY; Sandrine DUTILH; Pascale CAMUS-WALTER; Jérôme de GUILHERMIER; Bertrand ROUGE; Serge ; Fabienne ; Juliette JESTAZ; Véronique FEUTELAIS; JP ; Manu TAVERNIER; Andrés DURAN


 

 



POINT DE DEPART
Ref:
Utopie et grands projets urbain au XXème siècle- Q
Véronique LEVY 
 

Je cherche des renseignements faciles d'accès sur le thème "utopies et grands projets urbains dans le monde au 20e siècle" pour des élèves de terminale.
de plus, je me pose des questions:

  • Peut-on parler d'utopie s'il n'y a pas de contenu social?.
  • Y a t'il encore utopie?
  • Qui classer parmi les architectes comme utopistes, Le Corbusier par exemple, que je pense traiter, n'est pas toujours cité comme utopiste.
Ref:- R1
 Sandrine DUTILH
 
Architecture utopiste: A l'origine Piranèse, Ledoux

L'architecture utopiste est une architecture avant gardiste, d'imagination, qui reste très souvent à l'état de projet, dont les contraintes techniques de "constructivité" ne sont pas forcément pris en compte. Le Corbusier est un architecte moderne, mais selon ce que je sais de lui, bien loin d'être utopiste, est au contraire bien ancré dans le contexte socio-économique de son époque (le logement collectif), à l'origine de l'architecture fonctionnaliste.


 
Ref:R2
Pascale Camus-Walter 
 
<<Je cherche des renseignements faciles d'accès sur le thème  utopies et grands projets urbains dans le monde au 20e siècle>>

Références: Facile d'accès, c'est difficile à dire. Mais il y a des références comme "Rêver demain, utopies, science fiction, cités Idéales", de Dilas, Gervereau et Paquot, aux éditions Alternatives, 1994. On trouve ce livre dans des chaînes de livres à prix réduit. Sinon, chez Gallimard, dans la collection découvertes, il peut y avoir des choses intéressantes.


 
Ref:- R3
Jérôme de Guilhermier
 
 
Lorqu'il s'agit d'architecture je pense spontanément à François Loyer ("Histoire de l'architecture française"); Il reste à entrevoir le caractère utopiste....Il me semble que Nouvel a écrit la-dessus à propos de l'institut du Monde arabe.

 
Ref:- R4
Bertrand Rouge
 
Voir ce petit livre (texte court, mais illustrations amusantes): Borsi, Franco. "Architecture et utopie". Hazan, 1997.

 
Ref:- R5
Serge
 
<< A l'origine Piranèse, Ledoux >> (R1)

Si l'on reste dans les propositions urbaines et surtout si l'on veut s'appuyer sur le Campo Marzio ou la cité de Chaux, il faudrait en premier lieu voir du côté de saint Jean et de saint Augustin. Et puis ensuite interroger l'ars memorandi du pseudo-ciceron qui utilise l'architecture et l'urbanisme pour structurer la pensée individuelle et collective ( méthodes en usage dans l'enseignement des jésuites jusqu'à la fin du XVIII°). Au passage voir ce que Campanella propose dans la citta del sole. Dans la foulée s'interroger sur les sources théoriques des "grands travaux de Henri IV" entre autres "villes idéales" élaborées à partir d'une utopie urbaine théorique.

Piranèse dans ses restitutions romaines remodèle les données archéologiques pour leur donner un sens "politique" mais ce qui fonde son" utopie", dans la méthode ou le fond utopique et non le factuel du sens,  est entièrement contenu  dans les utopies médiévales et modernes. Il en est de même pour Ledoux, pour lequel la ville n'est qu'un maillage d'images de mémoire ( collectives) dont les liens physiques ne peuvent prendre consistance que dans une expérience indépendante du temps et de l'espace (individuelle). La cour angevine pratiquait la méthode dès la fin du XIV siècle!

Le propre de l'utopie en "architecture" n'est pas dans le factuel de l'apparence des propositions ( ce que Ledoux appelle la "mode" nous pourrions dire la "modernité" ) mais les principes qui fondent une pensée capable d'interpréter le présent en terme de "progrès" autant que pour citer à nouveau Ledoux : " d'immutabilité". L'utopie réside dans la résolution à un moment donné des ces deux tensions apparement antinomiques.


 
Ref:- R6
Fabienne 
 
L'utopie a été traitée dans un cahier du Monde d'il y a quelques années, 1995, je pense. Même si le problème est traité essentiellement à travers des utopies politiques et philosophiques, il peut être intéressant pour trouver des idées. Peut-être faut-il aborder l'utopie dans les projets urbains sous divers angles. Le premier serait effectivement celui décrit par Serge (R5) : des villes idéales censées représenter de grandes idées d'organisation sociale et politique, mais qui n'ont pas forcément vu le jour et qui sont alors restées dans l'imaginaire de leurs inventeurs.

Un deuxième aspect intégrerait comme vous le proposiez Le Corbusier. Je pense notamment à la maison construite par lui dans le XVIe arrondissement (et dont je ne me souviens plus le nom) qui est pourvue d'une rampe pour accéder à l'étage, tellement abrupte qu'elle est pénible à emprunter pour un individu debout et qu'un handicapé ne peut la gravir. C'est un exemple ponctuel mais la volonté de Le Corbusier d'insérer un nouvel élément architectural pour faciliter le mode de vie se révèle rester à l'état d'utopie puisque sa conception ne permet pas d'en profiter. D'autre part, mais je ne connais pas bien le sujet, l'architecture de Le Corbusier dans le domaine du logement collecif me semble rester là encore dans le domaine de l'utopie vu que ses intentions étaient certainement bonnes, mais le bilan général plutôt négatif. Utopie tentée mais échouée, elle reste ainsi dans le domaine des idées en attendant de trouver une meilleure solution.

Ne pouvons-nous pas également considérer comme utopiques certaines réalisations de Jean Nouvel, les maisons en fer par exemple, qui ne cessent de rouiller ?

Le début du XXe siècle offre avec les artistes constructivistes un aspect de l'utopie de participer à l'édification d'un monde meilleur. Ils s'insèrent dans les projets urbains, à mon avis, car si leurs oeuvres restent (parfois) dans de petites dimensions, elles n'en sont pas moins des idées de construction. Je vous conseille la lecture à ce sujet de "La Sculpture du XIXe et du XXe siècles", ouvrage collectif, Ed Skira (et aussi aujourd'hui Taschen sous le titre, "La Sculpture de la Renaissance au XXe siècle") qui offre un panorama de toute cette ambiance (illustration du Monument à la Troisième Internationale de Tatline qui devait mesurer 440 m de haut)


 
Ref:- R7
Serge
 
<< Ne pouvons-nous pas également considérer comme utopiques certaines réalisations de Jean Nouvel, les maisons en fer par exemple, qui ne cessent de rouiller ? >>(R6)
 

Utopie ?
Nous sommes au coeur non de l'utopie mais de la pratique artistique comme véhicule de sens. Lequel ?
- la manifestation de la métamorphose continue de la matière  en contrepoint de l'illusion de pérénité qui caractérise d'autres engagements en architecture.(cf les sculptures vivantes de pignon ernest pignon )
- la manifestion de l'éphémère par la mise en évidence d'une "dégradation du matériau"  c'est plutôt vers le formalisme du pittoresque voire de la "ruine" qu'il faudrait chercher  tout cela n'a rien à voir avec l'utopie.

Même chose avec TATLINE  le monument porte du sens et l'analogie d'une utopie sociale, pas d'une utopie architecturale qui traite d'une autre matière, celle d'une pratique potentielle appliquée à l'espace social. Si, au travers du monument russe on cherche une piste d'utopie, c'est vers les projets de " toujours plus haut" qu'il faudrait chercher et en particulier vers le projet "work in progres" de la Tour infinie" et sur le même mode des "tours cybernétiques"  dont notre environnement décline de plus en plus d'avatars.


 
Ref:
Utopie et grands projets urbain au XXème siècle- R8
Jérôme de Guilhermier
 
Pour reprendre la question de départ de Valérie (Q) concernant l'utopie et le social (la mise au point de Serge (R5,R7) étant largement profitable aux spécialistes mais trop pointue selon moi pour des terminales...!) : si l'utopie se définit trés simplement
comme quelquechose de chimérique donc d'irréalisable et plus précisémement dans un contexte social comme un eldorado trés proche de celui de Candide, alors le concept reste définitivement circonscrit dans un registre sociétaire (StSimon, Fourier). Il reste que le terme peut davantage s'épanouir dans un registre individuel et voir, pourquoi pas, des résonnances spirituelles facilement identifiables dans le monde des sectes...Je pense à l'architecture et je vois la Tour Eiffel, à l'origine érigée pour l'expo universelle, toujours d'aplomb avec sa superbe...l'utopie était de croire que son compte à rebours tiendrait jusqu'au douzième coup de minuit le vendredi 31 décembre 99...

 
Ref:- R9
 Pascale Camus-Walter 
 
Par rapport à ce qui a été dit précédemment, juste quelques notes sur les références religieuses de l'utopie architecturale et leur prolongement dans l'utopie architecturale du 20ème siècle, particulièrement en Russie:

L'idée de cité idéale est une idée mystique. On la trouve dans Ezéchiel, avec la vision du nouveau temple: "Il m'y transporta , dans des vision divines, et me déposa sur une montagne très élevée, où se trouvait au midi comme une ville construite." Suit une description très détaillée de la nouvelle maison d'Israël (Ezéchiel, ch. 40 et suivants).

L'idée est reprise par Saint-Paul pour le christianisme : "Car il (Abraham) attendait la cité qui a de solides fondements, celle dont Dieu est l'architecte et le constructeur." (Epitres aux Hébreux, Ch. 11, v.10). Ce rêve prend ensuite corps dans la célèbre cité céleste de l'Apocalypse, la nouvelle Jérusalem, un exemple unique d'architecture utopique, puisqu'on y décrit une ville descendue du ciel, carrée, en or et en pierres précieuses, perpétuellement illuminée, traversée d' un fleuve et plantée d'un arbre de vie. (Apocalypse, ch. 21).

Dans la tradition mystique juive, l'architecture et le corps humain sont mis en correspondance. On trouve une tradition curieuse "d'homme volant", le "Luftmensch", très développée en Russie, qui inspirera Chagall, mais surtout un des plus fameux architectes utopistes du 20ème siècle, El Lissitzky dans sa quête d'un homme nouveau. Le thème de l'homme nouveau est aussi très omniprésent dans le christianisme russe, où Moscou devait devenir  la "Troisième Rome", après Byzance et Rome. Mais l'utopie "présuppose la croyance dans le progrès, dans la pluralité des mondes et des systèmes et l'existence d'un littérature de fiction"; l'"avant" et l'"après", sont typiques de l'utopie. (Histoire de l'utopie en Russie, Heller et Niqueux). La pensée russe a développé vers le 19ème siècle, une pensée particulière, le "cosmisme", qui entrevoyait une conquête du cosmos comme victoire de l'homme sur le temps et l'espace, une transformation de la nature, l'immortalité physique et la maîtrise des processus physiologiques. C'est exactement cette idée que reprendra Malévitch dans le suprématisme et son monde non-objectif où les formes flottent dans l'espace et où les choses tiennent toutes seules ensemble, "sans colle et sans clous".

Le poète russe Khlebnikov, l'inventeur du "zaoum" (non-objectif), formulera un programme architectural utopique qui sera repris par l'avant-garde russe dans les premières années post-révolutionnaires. Dans des "propositions" rédigées en 1914-1915, Khlebnikov invente un habitat pour le nouveau "Luftmensch" russe, devenu maintenant une humanité volante: "Transformation des droits de l'habitat, droit d'être propriétaire d'une chambre dans n'importe quelle ville avec le droit de changer constamment de place. L'humanité volante ne borne pas ses droits de propriétés à un endroit particulier". Khlebnikov prévoyait des cabines mobiles en verre avec un anneau pour les zeppelins et qu'on amarrait ensuite dans des maisons -grilles en fer dans les villes de son choix.

Parce qu'elle devait faire table rase du passé, la révolution russe devait laisser la place à toutes les utopies et le thème de la nouvelle cité ressurgit tout naturellement: "Considérons le plan de cette Rome. Ses murs ont été posés par la Révolution russe. Cela a commencé par un mouvement puissant, élémentaire de la paysannerie, mais ce mouvement a engendré un élan vers l'organisation, vers la reconstruction." (El Lissitzky).

Le monument le plus célèbre de l'architecture utopique du 20ème siècle est la "Tour à la IIIème Internationale" de Vladimir Tatline de 1919-1920, jamais réalisée, et dont les croquis et la maquette ont été perdus. Nous ne les connaissons que par des photographies. A la fois Tour Eiffel et Tour de Babel, ce projet de bâtiment de plusieurs centaines de mètres de hauteur était composé d'une ossature en spirale irrégulière abritant trois niveaux de volumes géométriques rotatifs. Ce bâtiment "multimédia" avec téléphone, télégraphe, radio, garages, écrans géants, auditoriums, enseignes lumineuses, devait abriter les instances législatives et internationales (volume inférieur, rotation en un an), exécutives et administratives (volume médian, rotation en un mois),  les médias et la culture (volume supérieur, rotation en un jour).

Après la liquidation des avant-gardes, la fantaisie architecturale resta un genre pratiqué en Russie, même par des architectes soviétiques officiels comme Iakov Tchernikov, qui a fait de nombreux croquis et carnets d'architecture spéculative sur des cités du futur.

Du côté du créateur, l'utopie architecturale répond certainement à cette formule de Khlebnikov: "Le futur est notre maison.".


 
Ref:- R10
Serge
 
<< pourquoi pas, des résonnances spirituelles facilement identifiables dans le monde des sectes.. >>(R8)

Pour de multiples raisons, mais qui seraient "trop pointues à analayser...", il y a une relation privilégiée entre  l'utopie et ce que globalement, nous appelons les  sectes. D'ou la difficulté  à aborder sérieusement le sujet dans ses implications contemporaines ( hors de la théorie philosophique et des manifestes englués dans une "pratique artistique" . A bien observer les protagonistes des propositions dites "utopiques" depuis la renaissance, tous ont de près plus que de loin des attaches avec un cénacle de pratique ou de pensée en rupture avec la société contemporaine. Engels lui même n'a-t-il pas fait la tournée de toutes les réalisation architecturales et urbanistiques du conservatoire des sectes qu'était l'amérique  du xix° siècle pour en tirer tant des critiques que des leçons?

Il a existé entre 1972 et 1982 une activité assez intense dans le milieu de l'architecture et de l'histoire de l'art  sur ce sujet.  ( une petite introduction quoique marginale est relatée dans le ventre de l'architecte de P. Greenaway qui restitue sur un mode rhétorique le congrés "Piranesi e la cultura antiquaria" tenu à Rome en 1980 ).

Il appartiendra à l'histoire des décennies à venir de faire les corrélats entre les activités "expérimentales" en architecture et urbanisme des années 1980-2010 - celles qui seront reliables à une activité de nature "utopiste"- et les protagonistes directs ou indirects de ces expériences. Sur le plan collectif - on retrouvera une bonne part des "décideurs" qui suivaient de près ces débats "historiques" , dans les groupes économiques qui maîtrisent aujourd'hui les médias et les matières premières.

L'une des conclusions qui pouvaient émerger des débats sur l'utopie architecturale, est que les processus mis en place à cette occasion sont les images mentales d'un ordre social et que les projets d'ordre social sont étayés dans leur principe par les images de l'environnement construit autant que par les structures de déplacement collectif.

Une autre conclusion était que ce rôle dévolu à l'architecture et à l'urbanisme jusqu'au XX° siècle - d'où l'intérêt des utopies sociales pour ces domaines - glissait rapidement de l'environnement construit à l'environnement virtuel. Si l'on ne trouve que de façon marginale des utopies architecturales dans le sens moderne du terme, c'est que leur rôle de modélisation est en partie caduc. En d'autre termes, ce n'est plus dans la rue ou la maison que se modéle l'esprit social, mais sur les écrans. A la recherche des utopies architecturales du XXI siècle, il faudra interroger les architectures et l'urbanisme dans et au travers desquels s'effectue l'habitation intellectuelle et la circulation des images mentales autrefois offertes dans la ville de pierre.

Quelle aubaine, que ce genre de mutations culturelles,  pour les sectes qui caressent en général l'idée de pouvoir maîtriser ou tout au moins influencertout ou partie d'une société! Le propos débouche moins en fait sur  - quelle utopie architecturale au XX° siècle?  que sur  : qu'est-ce qui fonde la capacité privilégiée de l'architecture et de l'urbanisme à devenir les premiers supports d'une "utopie" , soft-ware d'une idéologie ( l'inverse est vrai également dans certains cas) et une fois défini ce point- dissocié de la construction matérielle sous tous ses effets- retrouver les traces de cet "art" sur ses nouvelles terres virtuelles.

Sur ce point, la lecture de Ledoux peut être utile.


 
Ref:- R11
Juliette Jestaz 
 
Je vous signale à tout hasard les Entretiens du patrimoine qui auront lieu au Palais de Chaillot à Paris (Théâtre national) du 24 au 26 janvier sur le thème Ville d'hier, ville d'aujourd'hui en Europe. La troisième journée annonce des débats sur le sujet "Ville réelle, ville rêvée" : "on parlera de la naissance de la ville industrielle au siècle dernier et de ses effets sur les formes urbaines, ainsi que des utopies architecturales".

 
Ref:- R12
Véronique Feutelais 
 
 
Je ne sais pas si cette réponse satisfera Véronique Lévy (Q). J'ai simplement un exemple à lui soumettre concernant un artiste s'appropriant les architectures. En effet à Evreux, ville normande, nous allons avoir l'honneur de découvrir dans quelques mois l'oeuvre de Tadashi Kawamata.Cette oeuvre s'intitulera Les passavents. Ce travail a été étudié dans certaines classes primaires de la ville. Les enfants ont travaillé sur les structures aériennes avec le créateur. La passerelle prévue devrait joindre différents monuments et bâtiments de la place de l'hôtel de ville en plein centre. Cette passerellle se situera de 5 à 7 mètres de hauteurs sur une longueur de 450 mètres. Cet artiste n'en est pas à son coup d'essai. Il a déjà travaillé dans cet esprit ailleurs. Si quelqu'un parmi vous savait où, merci de me le transmettre. Ceux qui serait intéressé par l'action créative de cet artiste à Evreux peuvent me recontacter pour que je leur communique les dates.

 
Ref:- R13
JP
 
Je crois pouvoir dire que le propre d'une utopie est de ne jamais prendre de forme concrète sauf quelques exeptions comme la saline de Ledoux (en ville radio concentrique) ou encore le phalanstère de Fourier et le familistère de Godin. Tony Garnier, Ginzberg, Sant'elia, Archigramm, Superstudio... Les maisons de Le Corbusier sont loin d'être des utopies bien évidemment. Les réalisations de Jean Nouvel n'en sont pas également.

Les grandes utopies architecturales concernent essentiellement des projets urbains. Pendant longtemps nombreuses ont été les utopies qui voulaient être des Jérusalem Céleste.

-"Utopia" de Thomas More
-"1984" d'Orwell
-"Le meilleur des mondes" d'Auxley...


 
Ref:- R14
Serge
 
<< J'ai simplement un exemple à lui soumettre concernant un artiste s'appropriant les architectures. >>(R12)

En fait cette remarque sur le travail de Tadashi Kawamata  apporte de l'eau aux interrogations de Véronique Levy sur l'utopie , sur deux points

-   Si la clarification sémantique du terme apparait encore nécessaire dans un contexte de recherche universitaire, elle tend à devenir secondaire dans tous les autres lieux critiques et en particulier : la radio, la télévision, la communication journalistique et a fortiori, l'éducation nationale. Il semble de plus en plus secondaire d'attribuer à un mot un sens, voire une référence sémantique ou conceptuelle documentée aux termes que l'on emploie, voire, que l'on enseigne. Il semble dans l'intervention de véronique Feudelais - qui en a toutefois l'intuition dans sa remarque préliminaire-, qu'à elle seule la manipulation de l'architecture ou de l'urbanisme dans une démarche artistique - soit suceptible d'engager un rapport théorique avec un principe d'"utopie en
architecture".  Si dans ce cas - semble-t-il-, il peut bien être question d'une action de "décalage" avec la réalité d'un environnement ou d'un fonctionnement architectural, nous sommes simplement au coeur d'une démarche artistique contemporaine et d'un travail de plasticien.   Mais qui n'entretient aucun rapport d'évidence avec une "utopie" , si ce n'est au
travers d'une acception superficielle du terme , celle qui - par glissement rhétorique- engage à nommer "utopie" une proposition liée à l'architecture et dont l'apparence semble offir une distortion avec le fonctionnement accoutumé des formes ou de l'objet.

-   Par contre, l'ancrage dans l'utopie pourrait se faire jour dans l'élaboration du projet (Ce travail a été étudié dans certaines classes primaires de la ville. Les enfants ont travaillé sur les structures aériennes avec le créateur.) si, au travers des incitation, les enfants ont été amenés à faire émerger des propositions "autres", voire paratoxales sur le fonctionnement urbain ou social du site. Là pourrait se situer les prolégomènes d'une implication "utopique" du projet - ,  en ce que l'utopie est majoritairement fondée sur une pensée socialisante et paradoxale.

En complément des bibliographies citées et sur les pistes de travail disciplinaires liées à l'Utopie  voir également l'article de Henri Desroches et Joseph Gabel dans l'Enc. Univ.


 
Ref:- R15
Serge
 
<< la saline de Ledoux (en ville radio concentrique) >>(R13)

- attention    ce n'est pas la qualité "radioconcentrique" de la saline d'arc et senans qui fait de la cité de Chaux une "utopie", mais le discours greffé sur le projet d'une cité  paradoxale:
- qui n'existe pas sur le papier mais existe dans la réalité topographique du territoire ,( en bonne part aujourd'hui encore. )
- dont le noyau est radio-concentrique non sur le mode d'un schéma urbain, mais - il faut lire le texte- comme l'omphalos d'une fondation identifiée à celle de l'ancienne rome et dont la Maison du directeur serait la "petra nigra".
- réduite à sa nature radioconcentrique immédiate, la cité cirdulaire de chaux n'est pas une utopie mais une variante structurelle ( du fait justement de sa fonction illustrative d'un propos d'utopie ) de formules constantes dans l'histoire de l'architecture urbaine ( cf Hautecoeur  "Symbolisme du cercle et de la coupole" paris 1954). En l'occurence, le modèle typologique - comme celui de plusieurs projets destinés à être placés sur le maillage de la cité dont des fragments illustrent le propos utopique- provient directement de l'architecture médièvale et plus particulièrement des typologies du XIII et XIV° siècle.  La part utopique ne réside pas dans le propos formel, mais dans le choix du corpus des modèles qui appartiennent tous à un groupe cohérent dans l'espace et le temps. Si le noyau "radioconcentrique" permet d'interroger son utopie, ce n'est pas au travers d'un parti esthétique de la gravure bien connue et dont la logique ressortit tant aux débats sur les places circulaires qu'au principe d'isolement du bâtiment public que Ledoux et ses contemporains érigent en principe urbain.

Ce noyau radioconcentrique n'est que l'affirmation d'un principe paradoxal - et donc lui aussi utopique- : celui d'un urbanisme éclaté, dont la cohérence "urbaine" est celle des axes et des intersections ( cf les projets "placés au centre de 4, 6 ,8 ... "routes".)  Ces axes  qui relient entre eux les différents "noyaux" peuvent être selon Ledoux , des routes, des rivières, des sommets, des axes perspectifs, ou à une plus grande échelle, des axes virtuels accessibles aux seuls "géants", c'est à dire aux lecteurs des cartes. Dans l'image radioconcentrique de Chaux, ce n'est pas l'image oubliée de toutes les villes circulaires que la France compte pas centaines encore, qui signale l' "utopie" , mais la fonction nodale assigné à leurs centres et qui décrit l'ensemble d'un territoire donné comme le périmètre d'une nouvelle "urbs" , ou plutôt d'une autre "palmyre" dont il aurait été chargé de relever les ruines. Ledoux en avertit le lecteur en composant ses gravures symboliques de 1804 sur les illustrations des "ruines" , réverie de Volney sur les civilisations disparues et complète le discours méhodologique en axant la saline de Chaux par référence à la "ville circulaire" la plus proche: Rennes sur Loue . Si Ledoux fait oeuvre d'utopie, ce n'est pas dans le doigt levé vers le ciel qu'il faut la reconnaître, mais dans la lune que le jocondeur se plait à nous désigner!

- Quelle est la fonction de la forme architecturale dans le discours utopique?  Une fonction illustrative du discours ? Une fonction symbolique - la seule capable de donner à une pensée paradoxale une prégnace dans la réalité?  Une fonction maïeutique - capable de guider par l'image, vers le coeur de l'utopie? Une fonction mnémonique ( cf l'ars memorandi)  Une fonction expérimentale - la mise en forme d'un contexte idoine pour que puisse exister la pensée sociale qui fonde l'utopie? etc....

En tout cas , en aucun cas, une fonction strictement interprétable en termes et méthodes de l'architecture ou de l'ubanisme, ni même d'histoire de l'art dans la mesure ou ce ne sont pas  les ruptures plastiques qui sont à l'origine du propos, mais un propos politique, philosophique ou social qui prennent corps dans les formes qui le recouvrent.


 
Ref:- R16
Manu Tavernier 
 
Juste une petite intervention en ce qui concerne la construction de LA cité idéale.

D'accord, ce n'est pas au XX° siècle, mais Hippodamos, lorsqu'il a été chargé de reconstruire Millet en 494 AvJC, s'est trouvé devant un grand territoire rasé. Il a pu ici penser la plan de la ville dans son ensemble et a du coup étendu sa prise de décisions à l'arrangement *social* de la nouvelle ville (pas de pauvres et d'inactifs...). Il n'y a pas eu quelque chose du même ordre avec Le Corbusier? Du genre "Si vous saviez vivre dans mes maisons tel que je le conçois, vous seriez beaucoup plus à même de voir comme elles sont belles". (enfin, c'est l'image que j'ai du travail de Le Corbusier [j'espère de tout coeur que c'est erronné...])


 
Ref:- R17
Andrés Duran 
 
Il y a un texte sur le site http://www.geocities.com/SoHo/Coffeehouse/7931/ville_volante.htm qui peut vous intéresser. Le titre est « La ville volante de Georgii Krutikov ». Le projet de la Ville volante s’inscrit dans la lignée des projets utopistes soviétiques des années vingt. Ces projets étaient une tentative de réponse aux problématiques des projets urbanistiques socialistes et aux questionnements soulevés par l’industrialisation massive et accélérée souhaitée par les hauts dirigeants du Parti Communiste.

Je ne crois pas que vous y trouverez toutes les réponses que vous cherchez, mais j'espère que vous y trouverez quelques pistes à explorer.