La lumière est "invisible !"


Lundi 1er février 1999. Une classe de CE2.

 

Cinq élèves travaillent avec des lampes halogènes et des filtres de couleur.

Remarquant le schéma réalisé par l’un des enfants, un autre lui fait remarquer :

5 élèves manipulant des filtres de couleur

Alice a représenté le parcours de la lumière" Tu as représenté la lumière alors qu’on ne la voit pas.
- Si on la voit puisque la lampe est allumée. "

Cliquer sur les images pour les agrandir
Je propose alors de prendre la classe à témoin. Les antagonistes présentent leurs arguments à la classe.

La classe est partagée. On ne voit pas le faisceau de lumière le long de son trajet, mais on sait qu’il existe car quand la lampe est posée sur une table on le voit. Pour rendre le phénomène plus visible de la classe, les enfants présentent l’expérience en dirigeant le spot vers le plafond.

Démonstration à la classe
Moi : " Que voit-on entre la lampe et le plafond ?
- Rien.
Moi : Alors, il n’y a rien ?
- Ben, oui ?
Moi : Vous êtes d’accord que si j’allume la lampe, un disque de lumière apparaît au plafond ?
- Oui !
Moi : Pourquoi ?
- Tu as appuyé sur l’interrupteur.
- Mais le plafond ne peut pas savoir que l’interrupteur est appuyé. "
 
Petit instant de réflexion. Un enfant passe la main dans le faisceau de lumière.

" Il y a de la lumière car quand je mets la main on la voit. "

Un autre élève place un filtre diffusant (nous avions déjà expérimenté avec) et fait remarquer que ça fait un " rond " dessus.

Un enfant propose un tube réalisé avec une feuille roulée. Il le tient comme une longue vue et dit que si on regarde où passe la lumière avec le tube, on ne peut pas dire si la lampe est allumée ou éteinte. Tous les élèves passent le vérifier, on ne voit pas de changement en allumant ou en éteignant la lampe.

Le tube masque la lampe et empêche de dire si elle est allumée ou éteinte
Après encore quelques essais, un enfant propose de mettre de la poussière (le lien avec une expérience vécue n’a pas été explicité). On décide d’essayer. La classe étant propre, je propose de la poussière de craie…

Moi : Quand Alex souffle de la poussière, que voyez-vous ?
Antoine : " La poussière descend vers la lampe à cause de la chaleur. "

Suivent diverses propositions pour tester l’hypothèse d’Antoine. Yann propose de placer la lampe en haut pour voir si la poussière monte. Ce n’est pas convaincant. Un autre élève propose alors de mettre la lampe sur le côté. Cette manipulation infirme l’hypothèse d’Antoine, la poussière ne va plus vers la lampe.

À partir de ce moment, j’ai noté les points forts du débat au tableau.

La poussière semble attirée par la lampe
Richard : La poussière reste dans le rayon de lumière.
Moi : Comment peut-on vérifier si la poussière reste dans la lumière ?

Je laisse ensuite la parole aux enfants, me contentant de reformuler les hypothèses pour m’assurer que toute la classe a compris la proposition. Les élèves sont en arc de cercle, assis au sol ou debout.

Anne : Regarder s’il y a toujours autant de poussière.

Alex souffle de la poussière de craie
Manifestement, la quantité de poussière diminue alors Richard propose :

Richard : La poussière " s’évapore " car on ne voit pas de poussière par terre.
Amandine : La poussière reste car la lumière la fait tourner.

 
Aline et Alex (Aline tient la lampe et la déplace de bas en haut, le faisceau est horizontal. Alex souffle la poussière de craie que d’autres enfants se sont mis à produire à l’aide de règles ou de tailles crayons) : Si on bouge la lampe, la poussière reste dans la lumière.
Sarapic : C’est le vent qui fait bouger la poussière pour qu’elle reste dans la lumière.
Anne : La poussière est éparpillée partout, c’est la lumière qui l’éclaire
(à ce stade, cette hypothèse ne reçoit pas d’écho, les autres sont plutôt de l’avis de Richard).
Aline et Alex : On a une preuve : On tourne la lampe, il y a aussi de la poussière dans la lumière, donc la poussière suit. (Aline tourne la lampe de 90° sur un axe vertical).
Moi : Je résume les deux idées. Certains pensent que la poussière suit et d'autres qu'il y a de la poussière partout.
Suite des photos quand le film sera fini...
Richard dit qu’il a besoin de deux lampes pour faire la vérification. Il en prend une autre et la place à une vingtaine de centimètres de la première.

Richard : avec deux lampes, on voit qu’il y a de la poussière partout. Après une pause il reprend : La poussière est partout, mais elle n’est pas éclairée (il a donc rejoint l’avis d’Anne, abandonnant sa première hypothèse).

Je rappelle en m’appuyant sur ce qui est transcrit au tableau que l’hypothèse de Richard était double. Il a changé d’avis (mais la plupart des élèves reste sur l’opinion que la lumière suit). Il faut examiner ce que devient la poussière.

 
Au sol, la poussière est maintenant visible, une élève le fait remarquer, mais quelqu’un propose de placer une feuille de papier en dessous du niveau des lampes pour voir si la poussière tombe dessus.

La poussière s’y dépose. Une petite discussion s’engage pour savoir s’il s’agit bien de poussière car il y a d’abord des " râpures " de craies un peu grosses pour de la poussière.

En passant le doigt sur la feuille, Sophie met en évidence qu’il s’agit bien de poussière car elle peut dessiner.

 
Anne propose alors un autre dispositif qu’elle dessine au tableau. Elle explique comment il va prouver qu’il y a un nuage de poussière qui ne se déplace pas. Elle a dessiné une lampe fixe et une autre qui tournera à 90° après l’envoi de la poussière (un nuage pour chaque lampe).

Anne : Si le premier nuage ne change pas, c’est que la poussière ne suit pas.

Elle conduit l’expérience et fait constater que le nuage de la première lampe n’est pas modifié par le déplacement de la deuxième lampe.

 
Julie propose alors de " voir " les bords du nuage (elle introduit le mot nuage pour la première fois). Elle propose une expérience toute simple :

Julie : Si je déplace la lampe, il va y avoir un moment où il n’y aura plus de poussière. On va voir les bords du nuage.

Julie prend une lampe et la déplace dans le nuage de poussière. Malheureusement, après plus d’une heure à souffler de la poussière de craie, le nuage est tellement régulier que la limite est difficile à voir. Julie est très étonnée de voir qu’il y a encore de la poussière à un mètre de l’endroit où elle a été soufflée. Pourtant, les élèves acceptent sa démonstration en remarquant qu’en s’éloignant, il y avait de moins en moins de poussière.

 
Cette expérience clôture les expérimentations, tous les élèves admettant maintenant que la poussière ne suivait pas la lumière mais formait un nuage que la lumière éclairait (Avant l’expérience de Julie, il restait encore des enfants pour pencher du côté du déplacement de la poussière).

En ouvrant les fenêtres pour dissiper le nuage de craie de la classe, un enfant remarque qu’il y a du brouillard.

Je propose d’observer dans la soirée, après l’école, les phares des voitures dans la nuit, pour voir si l’on voyait un faisceau comme avec la poussière de craie. Une élève affirme que quand il pleut très fort, ont voit aussi le faisceau des phares. Les autres acquiescent. J’ai retrouvé la classe trois jours plus tard, ils avaient bien pensé à observer les phares dans le brouillard…

 

Comme traces écrite, les enfants ont conservé des dessins légendés réalisés pendant les manipulations, Anne a recopié ce qu’elle avait fait au tableau….

Nous nous sommes mis d’accord sur le texte suivant :


La lumière est "invisible"

Avec nos yeux, nous pouvons voir la source de lumière (soleil, lampe…) et les objets éclairés par la lumière. Nous ne pouvons pas voir ce qui se passe sur le trajet de la lumière, sauf si nous regardons la source ou un objet éclairé.

Pour voir le chemin de la lumière, nous avons fait des expériences avec de la poussière et nous avons regardé les phares de voitures dans le brouillard.

On voit qu’il reste des questions en suspens, en particulier le rôle de la réflexion que nous avons étudié en parallèle, mais avec lequel le lien ne s'est pas fait lors de cette séance.

(Ces points seront bientôt en ligne, si j'en trouve le temps...)