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Dieu existe ! (Mais il était aux toilettes...)

Après mon accident, je ne me souviens de rien. Pas de long couloir lumineux, pas de petits anges voletants frivolement de-çi-de-là, nib peau d'balle. Non, tout ce dont je me souviens, c'est du pare-brise dans les gencives, et puis de cette salle d'attente. Immense, la salle d'attente. Interminable ! Des centaines, des milliers d'imbéciles assis les mains sur les genoux et d'autres centaines qui apparaissaient sur les chaises libres. Un panneau lumineux indiquait le numéro qui devait passer, et dans ma main un petit papier comme à la SECU. Sur le panneau : 25.574. Sur mon papelard : 624.342.894. Je commençais à déprimer lorsque ce fut mon tour. Au moins un avantage, on ne voyait pas passer le temps. Je rentrais par la porte que j'avais vue utilisée par tous les autres blaireaux. Là, un bureau du plus grand chic, moderne, informatisé jusqu'au plafond. Un type style P.D.G. pianotait sur un ordinateur.

- "Entrez, me dit-il. Monsieur... Michalon, Olivier, c'est ça".

- "Oui, c'est ça. Monsieur Saint-Pierre je suppose, lui répondis-je.

- "Qui ? Non, ne m'appelez pas, ça évitera des quiproquos débiles. Asseyez-vous. Alors, vous vous êtes planté sur un platane. Le cent trente septième aujourd'hui. Bon, voyons vos états de fait. Alors, vous travailliez à la Croix-Rouge, catholique pratiquant, aide aux défavorisés, marié, trois enfants, fidèle toute votre vie et supporter du P.S.G. Oui oui oui..."

Je sentais une pointe de fierté monter en moi. Avec tout ça, si je n'étais pas reçu au Paradis, il n'y avait plus de justice.

- "Bon, reprit-il en extirpant une feuille de son imprimante, vous redescendez".

- "QUOI ? J'étais suffoqué. Mais je redescends où ? Au purgatoire ?".

- "Où ça ? Mais qu'est-ce que vous me broutez ? Vous croyez peut-être savoir où vous êtes, c'est ça. Vous étiez... il regarda son écran... Catho, d'ac. Donc pour vous, - il pianota de nouveau sur le clavier - c'est le... Paradis".

- "Ne me dites pas que je vais en enfer !" le coupais-je en me levant.

- "ASSEILLEZ-VOUS ! hurla-t'il. Et ne me coupez plus la parole. Merde, dire que j'étais comme vous à l'époque. Ecoute le bleu. Tu n'es pas au paradis, ni en enfer, ni chez Dieu, ni chez Bouddha, ni chez mémé, OK ? Là, c'est la réalité. Tu redescends sur terre, comme quatre-vingt dix-neuf pour cent des autres. C'est tout !".

- "Ha, c'est la réincarnation".

- "Arrête d'essayer de comprendre ce qui te dépassera toujours. Ce n'est sûrement pas demain la veille que tu resteras ici".

- "Donc, c'est bien ça, dis-je, on peut rester ici".

- "On peut, oui, mais pas toi".

- "Mais pourquoi, demandais-je interloqué, j'ai eu une vie exemplaire, non ?".

- "Ce n'est qu'une question de point de vue".

- "Mais qu'est-ce qu'il faut faire pour aller... je sais pas... là-bas".

- "Il faut tout simplement vous comporter comme des humains".

Là, j'étais scié.

- "Mais ce n'est pas ce que j'ai fait toutes ces années ?".

- "Tu t'es comporté comme un humain du vingtième siècle, me répondit-il. Ce n'est pas ce pour quoi on vous teste".

- "Mais alors com...".

- "Ho, mais tu me fais chier ! Bon, allez, je prends, il regarda sa montre, cinq minutes pour t'expliquer. Dans toutes tes croyances, tu n'avais bon que sur un point. Votre passage sur terre est une épreuve. Si vous réussissez, vous êtes admis".

- "Mais, commençais-je...".

- "Ta gueule ! Là où vous avez tous tout faux, c'est que vous pensez que vous êtes testés sur votre bonté et votre "Humanisme". De la merde, oui ! Vous êtes là pour survivre, comme le faisaient vos ancêtres. Chasser pour bouffer, se battre pour conserver son territoire et sa femelle. C'est tout. Les seuls qui ont réussi à passer, ce sont quelques ermites, quelques tributs d'Afrique du Sud, d'Amazonie et autres pays "sous-développés". Et les femmes au foyer aussi. Celles qui avaient été prévues pour faire à manger et torcher les niards. Ca, on en a un paquet de pétasses ici. Si vous croyez qu'une bande de puceaux et de vierges enfermés dans des couvants ou des abbayes peuvent nous intéresser. Et ces cons de tibétains qui passent leur vie à méditer pour atteindre la voie de la vertu, dont la raison d'être est le "non-agir", ha ! ils ont de l'espoir pour passer la porte ceux-là, tien". Il s'alluma un cigare.

- "Mais vous, dis-je, vous êtes assis dans un bureau, avec un ordinateur, à fumer un cigare. Vous ne chassez pas ici, vous n'avez plus rien de naturel !"

- "Bien vu, reprit-il. Mais je te rappelle que moi j'ai terminé mes classes, bleu-bitte, c'est la quille pour moi. J'ai plus à me faire chier le bâton pour rapporter la bectance à la casbah, on a des supermarchés ici. Pour ça, il faut dire ce qui est, vous êtes des visionnaires. Et on s'en est un peu inspiré. L'informatique, quelle belle invention. Tu vas rire, mais si je te disais que j'ai accès à votre internet ici. Ha-ha, ils cherchent encore qui est cet Humprey Boggart qui pirate leur ligne".

C'est bizarre, mais je n'avais plus envie de rire. L'interphone sonna sur son bureau.

- "Monsieur, c'est le cannibale qui a été dévoré par un lion, je le mets dans quelle section ?".

- "Mettez-le dans le bureau d'admission. Je lui enverrais quelqu'un pour le former". Il raccrocha.

- "Comment, m'insurgeais-je, vous acceptez un cannibale ?".

- "Oui, un petit gars très bien, qui vient d'une des dernières tribues anthropophages d'Afrique. Une bonne recrue, il nous en faudrait plus des comme lui". Il tira sur son cigare. Moi j'étais estomaqué.

- "Mais au fait, demandais-je, comment vas se passer mon retour sur terre ?".

- "Comme les trente-six précédentes fois où tu es venu, vieux. Tu prends ce document - il me tendit l'imprimé - et tu te présentes au bureau de réinsertion. Un conseiller d'orientation te recevra et te dirigera sur une femme enceinte. Comme tu n'as pas été une très bonne recrue, je ne donne pas cher sur la famille qui va t'accueillir. Peut-être une jeune mère droguée au L.S.D. ou un truc comme ça. Démerde-toi".

- "Mais, je ne me souviendrais de rien, comment je vais faire pour savoir qu'il faut que je me débrouille tout seul pour me nourrir, tout ça. Surtout à notre époque".

- "Comme tu dis, tu ne te souviendras de rien, c'est spécifié sur le formulaire que je t'ai donné. Et en effet, ça va être coton de t'en sortir mec. Bon, les cinq minutes sont écoulées, passe par la porte de derrière, prends à droite et suis les instructions. J'ai une prostituée naine boulimique qui est morte lors d'une reconstitution de sodomie avec un âne dans une émission de Morandinni qui attend. Allez, bonne chance, ha-ha-ha...".

Je suis sorti dépité du bureau, et j'ai été envoyé, comme il l'avait prévu dans une famille à problème. Un couple de fous furieux à N.Y.. Mais il y a une chose que je me suis bien gardé de lui faire remarquer, c'est que sur le formulaire, rien ne spécifiait que je ne devais me souvenir de rien. L'informatique, une belle invention... Ce qui a été le plus dur, si je me souviens bien, ça a été l'accouchement. Et puis à New-York, je me démerde comme je peux pour rester dans les normes demandées. Je chasse ma nourriture. Ce que je préfére, ce sont les Vietnamiens, parce qu'ils ont le goût du riz, mais les chinois, eux, ils ont un arrière-goût de canard laqué, et j'aime pas le canard...