La fille aux oranges

Au jardin de mon père
Vive la rose !
Un oranger il y a
Vive ci, vive là
Un oranger il y a
Vive la rose et le damas !

Qu'est si chargé d'oranges
Qu'on croit qu'il en rompra.

Marguerite demande
Quand on les cueillera.

"A la Saint-Jean, ma fille.
Quand la saison viendra.

- La saison est venue
Les cueillerons-nous pas ?"

Elle prend une échelette
Un panier à son bras.

Elle cueillit les plus mûres
Les vertes elle laissa.

Les alla porter vendre
Au grand marché d'Arras.

En son chemin rencontre
Le fils d'un avocat :

"Que portez-vous, la Belle
Dedans ce panier-là ?

- Monsieur, sont des oranges
Ne vous en plaît-il pas ?"

Il en prit une couple
Et point ne les paya :

"Vous prenez mes oranges
Et ne les payez pas ?

- Montez dedans ma chambre
Maman vous les paiera !"

Quand elle fut dans la chambre
De mère il n'y avait pas ;

Il la prend, il l'embrasse
Sur son lit la jeta :

"Ah ! que dira ma mère
Quand elle saura cela ?

- Vous lui direz, la Belle
Que c'est d'un avocat !"