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de Tankred Dorst

 

Prise de notes des commentaires d'Alain Sergent
lors d'une lecture à la table
 

La salle de l'Elysée avec

- le parterre surelevé par des plateaux de 2m x 1 où seront les spectateurs
- le balcon côté cour et l'escalier qui seront des espaces de jeux
        * d'audition pour ce qui est du fond de la partie supérieur du balcon
        * de vision pour l'escalier où se tiendra l'assistant de façon à ce qu'il soit le plus visible des spectateurs quand il est sur l'escalier
- de l'escalier accès à l'espace scène
Entre les deux, un lieu neutre et étrange : la cabine téléphonique. Au point de vue des décors, la cabine est une coquille accoustique des années 60 - une grosse oreille - avec un téléphone à l'intérieur.

Décors

- 1 chaise
- 1 escabeau de 4 marches
- 1 emphore sur 1 trépier (emphore cassée comme un œuf)
- 1 "vrai chien" invisible
- des caisses
- des oiseaux mécaniques volants de couleurs (effet aléatoir)
- 1 cabine téléphonique
- 1 malette porte-documents

Espace scènique

- cabine côté cour
- escaliers qui montent aux supers structures idéologiques du théâtre

Eclairage

peu fort : idée servante
respecter le charme de la salle : idée d'un petit faisceau tombant des cintres

Début du spectacle

- entrée et installation des spectateurs
- départ des oiseaux du haut du balcon vers la scène
- entrée du régisseur ramassant les oiseaux. Là, va croiser Feuerbach qui entre en scène.

Selon les dediscalies
Personnages

- Feuerbach comédien
- assistant - metteur en scène
- une femme

Lieu

- le plateau de la salle d'un grand Théâtre

"L'action se situe dans un théâtre vide, après la répétition. Sur la scène, des éléments de décor datant de la veille. Par la suite surviennent des machinistes qui, sans s'occuper de Feuerbach finissent de démonter ce décor...." Dorst.

Psychologie personnelle
"J'imagine Feuerbach comme un homme d'âge moyen, dont l'aspect n'a rien de marquant. Il n'a pas l'air d'un artiste, au contraire : il s'efforce, avec beaucoup de soin et d'anxiété, d'avoir l'air d'un bourgeois, d'un monsieur exerçant un métier qui exige une présentation sérieuse et discrète. Il s'exprime avec une précision excessive. Sa diction donne une impression d'exaltation, car il lui arrive d'allonger à l'excès certaines voyelles en enflant la voix, comme si le son s'affranchissait du contexte verbal et entrainait la voix avec lui.
... En dépit de son extrême vivacité et d'un orgueil parfois pathétique, on ne cesse de sentir qu'il est foncièrement dépressif : c'est un être perdu dans une pièce vide et sans fenêtre" Dorst.



Scène I
Feuerbach sur la scène
- Lumière...!!! - ...autant que je reparte tout de suite. (silence, il crie en direction de la salle.)
Est-ce que vous me voyez ?... Feuerbach
- J'ai été convoqué pour que vous me voyiez, pour que vous puissiez vous rendre compte si ce que je sais faire, et ce que je suis, correspond à ce que vous attendez.. (silence).
Feuerbach
- Lumière...!!! Feuerbach (p.10-11)
- Lumière...!!!
(la scène s'éclaire. Le décor de la veille n'est pas encore démonté...) Feuerbach
- Enfin, c'est pas trop tôt !
Que suis-je sensé faire ? ... (silence)
Je me suis préparé à jouer la scène du IVe acte du Tasso de Goethe...
Si d'une certaine façon, nous pouvions travailler ensemble. (silence) Feuerbach
- Où êtes-vous donc ?
L'assistant
- Ici Fin du I, p. 12
Feuerbach
- Je ne suis pas ici pour passer une audition devant son assistant.
(il se retourne et sort de scène).
L'assistant, le rappelant
- M. Feuerbach ! je vous en prie !... 3, p. 14
Feuerbach
- là... où plutôt par là-bas (prend la chaise)
beaucoup d'espace autour de moi.
Je respire... Ah une chaise comme ça... la chaise et l'espace !
(silence) p. 14
Feuerbach
- Racine devrait se jouer assis, à écrit un jour un homme fort intelligent. C'est très juste.

3, p. 15
Feuerbach
- Hippolyte près d'une petite table à thé, Mithridate... Bérénice prend un loukoum.
Hector devise en tenant un verre de sherry... c'est très bon !

5, p. 20
Feuerbach
- Le monde entier attend !
... quand la lumière reviendra-t-elle ?
Le prêtre arrache aux victimes leur cœur palpitant et le tend vers le ciel noir
L'assistant (crie à l'adresse des machinistes...)
- Ne faites donc pas tant de boucan sur le plateau ! Feuerbach (p.22)
Le comédien doit oublier ses effets maintes fois éprouvés ! Il doit oublier sa virtuosité ! Il doit oublier sa langue ! Les mots et la signification des mots ! Le langage qui sort de sa bouche doit lui être étranger, incompréhensible, comme si brusquement il parlait chinois. Feuerbach
- comédien...
...chinois
- Mais, voyez-vous, j'ai tout de même déjà fait de grandes choses : mon Empédocle, mon Tasso, mon Oedipe... c'était véritablement grandiose !
J'ai déjà connu, tout de même, l'état de grâce, et je ne saurais perdre la grâce. Le mot "grâce" vous irrite peut-être ?
L'assistant
- Pas du tout.
Feuerbach
- C'est une notion religieuse, et c'est aussi dans ce sens que je l'emploie. 6, p. 23
L'assistant
- Ben oui, il y a naturellement des comédiens qui changent de métiers, ou qui se consacrent à une activité sociale, parce que le théâtre ne leur suffit plus. Mais alors, au bout de sept ans, ils ne songent pas à revenir sur les planches.
Feuerbach
- "Très insuffisant"
L'assistant
- Faire autre chose, un autre métier
Feuerbach
- Comédien : "très insuffisant ! 5 sur 20 !
L'assistant
- Ce ne sont pas les métiers qui manquent
Feuerbach
- A quel métier décerneriez-vous la mention "passable" ? Et la mention "bien" ou "très bien" ? Alors pharmacien ?... 7, p. 29
Feuerbach, p. 30
- ...Un jour j'arrive et je veux interpréter une chanson de Brecht, une chose très incisive, très critique, et je le fais, jusqu'au moment où le metteur en scène m'interrompt et me dit : "Vous, là, ...votre façon d'interpréter cette chanson m'ennuie. Faites moi donc un petit saut en l'air à la fin de chaque vers". Je lui dis : "Non, je ne sautillerai pas...".
...Et bien pour finir j'ai sautillé ! Et ce n'est pas la seule fois où j'ai dû sautiller à l'époque. Sautiller, toujours sautiller !...
Ce que d'autres camarades ont du endurer, il vaut mieux ne pas en parler. 7, p. 31
Feuerbach
- Ce n'est pas la première réponse impertinante et provocatrice que vous me faites !
Mais je garde mon sang froid ! Parfaitement.
(long silence) 7, p. 32
Feuerbach
- Je vais jouer Tasso, le monologue de l'acte IV. J'ai joué Tasso deux fois.
La première fois... p. 34
(jeu des comédiens testant leurs propres connaissances à propos de l'énumération des pièces citées par Feuerbach...)

p. 37
Feuerbach
- Non, vous n'êtes pas chargé de me garder ! Grand Dieu ! Non ! Quelle idée ! Pourquoi me garder !
Vous allez sans doute parler au Directeur, à Mr. Lettau pour lui dire...

8, p. 38
Feuerbach
- ...Il se réveille, et il pense : le théâtre ; et peut-être que, tout de même, il préferait de beaucoup pénétrer la vie ; c'est pour cela coupe le circuit. Quand tout est silencieux, que le théâtre est complétement mort, alors la vie revient. 10, p. 43
Feuerbach
- Je connais divers exemples, dans le genre. Je me rappelle l'histoire du chapelet, dans Henri IV... La Femme
- Merci. Quelle pagaille  !
L'assistant
- Où il est, votre chien ? 10, p. 43
La Femme
- Mais je l'ai amené. Seulement il a disparu. Je l'ai juste lâché. Alors, il s'est mis à renifler...
Je ne crois d'ailleurs pas que vous pourrez l'utiliser. Personne ne peut. Moi non plus. J'ai entendu dire par un collègue de travail que vous cherchiez un chien... il ne m'a jamais causé que des ennuis... 10, p. 44
L'assistant
- On ne lui demande qu'une chose, c'est d'être patient... La Femme
- Bon. Ca ira peut-être... Cet animal ne m'a causé que des malheurs.
Ne serait-ce que dans le taxi. Mes clients se sont plaints, parce qu'il pue, surtout quand il pleut. 10, p. 46
Feuerbach
- Je me rappelle cette histoire de chapelet dans Henri IV (ils ont disparus).
Le prince était au chevet de son père mourant et égrenait un chapelet... Feuerbach
- ...Sur quoi le prince Henri arrête ses pichenettes, regarde fixement la salle obscure et se met à hurler :
"Salauds ! Bande de salauds ! Ignobles salauds !" Il ne s'arrêtait plus de hurlet. Il a fallu baisser le rideau. 10, p. 48
Feuerbach
- Bon ! Parfait ! Je ne vous en veux pas, je trouve cela correct, et même sympathique,
de refuser ainsi de trahir les secrets de la maison, j'apprécie... !
Mais... pourquoi clignez-vous de l'oeil ?
L'assistant
- Moi ?
Feuerbach
- Oh, excusez-moi, je me rends compte que c'est un tic nerveux que vous avez à l'oeil gauche.
Je ne l'avais pas remarqué avant, j'étais trop loin, et l'éclairage de la salle est un peu faible.
Maintenant, j'ai cru tout d'un coup que vous me fassiez un clin d'oeil ! (il rit). Un petit défaut... une paille dans l'oeil... 10, p. 49
Feuerbach
- Thiem ? Un éternel éphèbe. Vide. Indolore....
Kohlweiss ? Un virtuose, rien d'intérieur.
... il n'y en a qu'un seul.
L'assistant
- Feuerbach ? Feuerbach
- Je ne suis pas amateur de vos plaisanteries. Vous chercher à mettre les rieurs de votre côté... 11, p. 50
Feuerbach
- Qui est donc Feuerbach ?...
Qui suis-je ?... Je suis personne. Je suis zéro.... Je suis l'homme zéro. 11, p. 51
Feuerbach
- Moquez-vous ! Méprisez-moi !
Cela ne me fait rien, que vous vous moquiez de moi, vous ou un autre !... ou même le public, et c'est en général ce qui peut arriver de pire à un comédien.
Il en rit... p. 53
Feuerbach
- Vérité ! Je veux parler avec vous, chères et insolentes petites créatures, de Dieu, mes frères, mes soeurs. Je veux vous dire en quoi réside la vraie félicité.
Arrive le frère portier qui nous demande, plein de colère : "Chi isiete voi ? emoi diremo". p. 53
L'assistant
- Rien, qu'est-ce qu'il y a ?
Feuerbach
- C'est du vieil italien !
...
Feuerbach
- Peut-être que tout cela était un peu trop spéculatif, excusez-moi...
Mais cette volée d'oiseaux, vous l'avez tout de même vue ? p. 56
La Femme
- Je me contente d'attendre
L'assistant
- Et alors ? Et alors ?
La Femme
- Je me contente d'attendre, j'ai rien à dire. L'assistant
- C'était du Feuerbach authentique, ou pas ?
Feuerbach
- Je jouais ! p. 58
Feuerbach
- C'est une personnalité forte, imposante dans la direction d'acteur !...
A moi, par exemple, il a dit : "Vous êtes un comédien prodigieusement doué, Feuerbach, mais pour vraiment percer et être exceptionnel, il faut que vous assumiez la configuration de votre personnalité".
Qu'est-ce que ça signifie au juste, ma configuration ? 13
Feuerbach
- Je suppose que vous l'avez su depuis le début...
Quand vous avez voulu partir, M. l'assistant, c'était pour aller dire à M. Letteau que j'étais un client peu sûr,
que j'ai donc passé sept ans en clinique et qu'on vient juste de me laisser sortir...
Je prend un médicament récemment mis au point qui supprime l'instabilité psychique...
(le chien fait irruption)
La Femme
- Tiens, le voilà ! 13, p. 62
Feuerbach
- A moins que vous n'ayez eu un facheux soupçon qu'au moment où, sans réfléchir je vous ai raconté (juste pour vous distraire, en fait), que j'avais pris la miche de pain dans le panier, comme le metteur en scène me l'avait demandé pour la lancer sur mon partenaire, Antonio,... et qu'ensuite, j'ai continué à lancer toutes sortes de choses,... qui se trouvaient sur la scène, dans ce décor minable qu'un certain Müller Klein avait bricolé pour cette tournée...
L'assistant
- Allez-vous en, je vous en prie, Madame Angermeier.
Emmenez ce roquet hors du théâtre, on vous fera signe.
La Femme (à Feuerbach)
- Au revoir, Monsieur. 13, p. 65
Feuerbach
- Vous êtes l'assistant, ou vous ne l'êtes pas ?
Etes-vous quelqu'un d'autre, peut-être ?
Quelqu'un de non-présent ? D'innocent ? p. 70
L'assistant
- Le metteur en scène est assis là haut, il réfléchit, il est calé dans son vieux fauteuil Knoll,
il pense et il mange des betteraves rouges, il ne mange que des betteraves rouges, rien d'autre, du matin au soir. 14, p. 71
Feuerbach (doucement)
- Mon ami... Mon cher ami
L'assistant
- Oui, oui, oui. Feuerbach (très agité)
- Je vois le balancier s'élancer d'un côté et de l'autre.
... ...
Depuis combien de temps attendons-nous ?
Nous cessons à présent de mesurer le temps. (Il brise sa montre contre le dossier de sa chaise).
Je me souviens de Jean... de Jeannot... je ne sais pas s'il est encore de ce monde. Mais les gens à qui l'on pense continuent de vivre.
... Il avait pour ça une formule... attendez voir, comment était-ce déjà ?... "Qu'est-ce qui te tracasse ? Bois donc une tasse...".
Mais, voyez-vous, à cause d'elle, j'aimais ce garçon ! (il fredonne et murmure) "Bois une tasse"... 15, p. 73
L'assistant
- M. Letteau est arrivé et vous êtes prié de commencer... p. 76
Feuerbach (il dit alors le monologue de Tasso)
- "Mais oui, tu peux aller, tu peux partir heureux
de m'avoir convaincu de tout ce que tu veux
(il va chercher la chaise et s'y assied) ...
"Auprès de toi, j'apprend la dissimulation.
Tu y es passé maître, et je sais ta leçon..."
...

p. 80
Feuerbach
- Si M. Letteau est reparti, alors je ne vois pas... oui.
Je veux dire... Alors, je peux partir moi aussi...
L'assistant
- Vous avez oublié vos chaussures !