Comment appréhender le monde ? Les cinq sens, nous connaissons... Le sixième sens, on en a une petite idée...Ce petit boîtier noir permet peut-être d'accéder à un septième sens ?

L'oeil qui repère et cadre la matière photographique, les neurones qui se mettent en branle pour effectuer des calculs de réglages de profondeur de champs, de luminosité et de contrastes, l'index qui conclue l'action... effectivement, tout cela intervient au moment du déclic...

Mais un autre phénomène apparaît au moment de la prise de vue : une étincelle dans le regard, des palpitations, un état de fébrilité, l'impression d'être coupé du monde et en même temps, d'être en phase avec ce que l'on voit, un sentiment d'imminence et d'urgence, c'est cette sensation de réceptivité et de sensibilité extrêmes que j'appellerai septième sens.

Figer l'éphémère, fixer le mouvement du monde sur quelques centimètres carrés de pellicule et être le seul à décider de ce moment, jouir d'un pouvoir grisant sur le temps et sur la matière photographique, regarder le monde sous un autre angle et tenter de donner à voir aux autres une vision subjective de ce monde, c'est ce que permet l'index à ce moment.

En additionnant les temps de pose de ses photographies, Robert Doisnau résumait sa carrière à quelques secondes tout au plus. Quelques secondes qui dureront une éternité, voilà le miracle qu'il a réussit. Voilà le fabuleux pouvoir de la photographie.