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Enivrement

Vous qui venez ici promener votre songe aux accents de ce conte d'arabesque et de couleurs, sachez qu'il est un privilège dont on ne vous prive pas d'user et en face duquel il n'est nulle resistance possible. Ce privilège, un de nos plus grands poètes du siècle dernier l'a nommé (après l'avoir ô combien exalté) "enivrement".

L'"enivrement" n'implique aucune complexité, connaissance, ou interprétation puisque au contraire bien souvent il les ignore. S'enivrer, c'est taire la réflexion (parfois trop ambitieuse), mais donner la parole aux sens et s'engager ainsi en toute disponibilité. Car il ne convient pas de regarder platement les choses mais tenter sans cesse d'échapper a cette sérénité béate qui est une tendance facile et trop commune.

Pour cela, il n'y a qu'une foulée à réaliser et vous sentirez votre esprit bouillonner de visions, aveugle d'une lumière soudaine dans laquelle il frissonnera comme un duvet d'oisillon dans le souffle de l'aube qui l'a vu naître.

Galvanisez-vous du chant suave que fredonne la esmeralda, femme-ange et evanescence, au travers de ses ondulations gestuelles qui semblent toujours le fait de puissances célestes.

Approchez votre oreille à l'orée de ses toiles et vous percevrez les glissements des nombreux plis de sa robe que la lumière dessine et fait éclore. Car la danse est un tel pont de dialogue puisqu'à l'instar des mots elle constitue comme un essai d'entente, de communication avec autrui ; quand la parole trahit son impuissance a atteindre l'autre, s'esquisse alors une parole gestuelle, empreinte de musicalité pour pallier cette insuffisance.

Tantot glissant sur la surface d'un socle en marbre, tantot épousant l'ogive d'une alcove, tantot communiant avec les balbutiements d'une fraiche fontaine... ou encore reposant dans sa douce innocence sous la course tourmentée des nuages entraînant à leur suite un point de blancheur vague... telle nous apparait cette fragile créature, "si belle que Dieu l'eut préférée à la vierge", cause (malgré elle) de furieuses déchirantes passions que nulle force ne peut éteindre.

Vont se succéder également le prêtre Frollo, le bossu de Notre Dame et foule d'autres personnages aux allures plus insolites les unes que les autres.

C'est là, un monde hybride, à l'intérieur duquel tout semble parfois confondu, étrangement amalgamé, et d'ou va jaillir un "grotesque" troublant...

Axelle MAURY