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A travers les galeries

Buisson expose des peintures et des dessins. De beaux paysages de nature y servent de décors antithétiques à des cohortes moyenâgeuses de personnages processionnaires assemblés dans le doute ou l'utopie, "chétifs insectes" enfermés parfois dans le verre retourné d'un enfant. Poire, carnaval, Nef des Fous. Et toujours, de solides rapports de force entre les personnages ("Allégeance, Héritage, Posséder, Pouvoir", voilà quelques titres), partout une imagerie populaire ("Voyage de noces, Vacances, Bal Populaire"), partout une dérision qui marie humour et morale ("Les Lèche-culs, Les Moutons de Panurge, Le Voleur de rêve").

Buisson brasse les foules uniformes vers la Tour de Babel du rêve, de l'espoir. Le désir d'ailleurs l'anime, mais le besoin de mythe, la foire grotesque, les pélerinages mènent à la mort. La horde braillarde est conditionnée. Le doute la taraude (quasi-écologique) sur l'identité, sur l'environnement-cloisonnement-faux-semblant (des fausses lacérations de toiles laissent paraître d'autres décors qui sont actifs), le doute enfin sur l'ordre du monde (personnages de tailles différentes ; adoration d'une armure vide et robotisée) ou sur les codes métaphysiques (une main surgit du faux-ciel pour animer une marionnette). L'opposition entre les villes organisées et l'ailleurs naturel est constante ; le Destin prend des allures de loterie (Le rêve est un gros nuage-paysage qui passe au-dessus des malheureux gogos, ou file au travers d'une porte vide comme un souvenir de Magritte).

Buisson aime l'insolite. Il mêle époques et idéologies en une sarabande qui rappelle les danses macabres ou Le Combat de carnaval et de carême, de Brueghel, version totalitaire du 20e siècle. Horreur de la bêtise dangereuse du groupe : surtout ne pas hurler avec les loups.

Cette peinture a le goût de plaider pour un humanisme généreux ; couleurs et sens intelligent de l'image justifient pleinement le titre de l'exposition : "Symboles de vie". Le Jardin des délices de Buisson mérite qu'on y aille pique-niquer !

Yak RIVAIS
Les cahiers de la peinture nÊ 137 - deuxième quinzaine juin 1982
Exposition de juin 1982, Galerie Art Visionnaire, Paris 6e)