Certains ont besoin de prétexte pour peindre ; moi, si je peins, c'est juste parce que je dois le faire.

La peinture, le dessin, la sculpture sont mes moyens pour exprimer et concrétiser des idées qui m'appartiennent, ou qui m'échappent, des visions. J'ose défier le temps par quelques traits marquant un instant sur un papier, réveiller la matière morte d'une terre lourde et inerte par des gestes tantôt vigoureux tantôt caressants, et je me permets à peindre l'intimité cachée derrière la toile ou à écouter avec mes yeux pour raconter ce qu'un vieux bout de bois a dans les veines. Et c'est du même élan que le musicien va poser une musique qui se ballade entre ses deux oreilles sur une portée, qu'un écrivain va écrivant, qu'un Facteur Cheval va construire un palais géant renfermant ses rêves d'enfant en se disant que c'est quand même beau un caillou qui se tape la conversation avec une multitude d'autres cailloux. Et moi, si je continue mon oeuvre avec aisance c'est parce que chaque jour je m'envie de savoir qu'aujourd'hui je nourris l'envie du lendemain, je donne la vie à une image qui est la présence de l'image qui prendra forme au bénéfice d'une autre.

Si je devais me définir pour répondre à la question de savoir quelle est ma démarche, je dirai peut-être que je suis un poète qui fait de la peinture faute de trouver ses mots ou bien un menuisier en admiration devant son plus bel ouvrage, la graine qu'il a planté en débutant son métier, graine qui a donné un chêne aux splendeurs centenaires. Et si l'on me demandait de nommer quelques-unes de mes oeuvres qui m'ont le plus ému ou qui me paraissent les mieux abouties, je répondrai simplement, toutes celles qu'il me reste à faire.