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En ces temps peu glorieux où il fait bon vivre sous l'égide oppressante du Coca-Cola et autres hamburgers rocailleux, où nos chers et attendrissants bambins embrassent à tout rompre cette culture anglo-américaine (culture humaniste digne des plus hautes Lumières) -- absorbés et happés qu'ils sont par cette violence télévisée, cette arrogance systématique constamment mise en exergue par les principaux médias aux heures dites les plus sensibles --, où Internet devient un phénomène de mode à l'image de l'utilisation plus qu'effrénée de ces téléphones de poche, le pauvre et délaissé dilettante lyonnais ne sait plus désormais à quel saint se vouer. C'est avec tristesse qu'il contemple alors sa cité endormie, absorbée quotidiennement par les rideaux atmosphériques, souillée par les icônes qui tapissent ses façades, convulsée par certains faits-divers. La métropole exhale ainsi sa fétidité...

Pour pallier à cette morosité citadine et éclairer les simples individus que nous sommes, la Ville de Lyon a organisé une rencontre avec l'Histoire. Bien que notre cité soit jumelée avec Milan (ceci n'enlevant rien à la notoriété de la métropole lombarde), les affinités s'entretiendront cette fois-ci avec une ville féerique, berceau de la Renaissance, qui enfanta Michel-Ange Buonarotti et Benvenuto Cellini : Florence. A compter du mois de juin, la Ville de Lyon fera renaître un des plus antiques usage florentin, pratiqué dès le Moyen Age sur sa place Santa Maria Novella ou parfois sur son Arno gelé : le "Calcio Storico" (Football historique). Union de football, de rugby et de lutte, ce sport qui pourrait être apparenté à la soûle n'en demeure pas moins confus, ses règles étant elles-mêmes assez complexes. Il met en lice deux équipes, composées de vingt-sept joueurs, qui doivent déposer le ballon derrière la ligne de but adverse.

Toute la magie de cette cérémonie sportive réside avant tout dans le faste des préparations. Comme les équipes sélectionnées représentent les différents quartiers historiques de la ville (à l'image du Palio de Sienne et des Contrade), les joueurs sont émaillés de couleurs désignant leur quartier : les Verts représentent San Giovanni, les Bleus Santa Croce...; ainsi la population florentine prend alors fait et cause pour ses enfants, de beaux et grands morceaux solides et hardis, qui tels de farouches gladiateurs viennent jouer la partie de leur vie devant des supporters transalpins frénétiques et fantasques.

Pourquoi faire revivre cette pratique et l'importer en terre lyonnaise ? Par ce que nous somme, très modestement, le pays organisateur de la Coupe du Monde de Football. A ce titre la Ville de Lyon ressuscite une tradition antique pour permettre aux plus jeunes (de 7 à 77 ans) de retrouver une culture passée, forte d'harmonie et de magnificence, en leur présentant plusieurs tournois de Calcio florentin. Ainsi, insatiable de victoire et soucieuse d'honorer la tradition, la Ville de Lyon a sélectionné son équipe pour défendre gaillardement son oriflamme rouge et bleue. Les compétiteurs florentins et lyonnais (Lyon accueillera une délégation toscane venue la défier) seront pomponnés et choyés, endossant les effets d'occasion, pour combattre loyalement dans une arène de Bellecour survoltée et incandescente, si le temps veut bien être de la partie.

Bien que cet événement soit très attendu, constituant l'attraction vedette de ces premiers jours de juin, et donnant ainsi l'image d'une ville dynamique et entreprenante certains, retranchés dans des considérations aussi poussiéreuses que stériles, affirmeront que cette aventure est foncièrement vulgaire, onéreuse, que les crédits dépensés pour cette mascarade auraient pu être convenablement réorientés vers d'autres destinations..etc..etc...

Seraient-ce ces éternels insatisfaits, seraient-ce ces mêmes personnes qui admonestent ouvertement nos élus : "pourquoi telle rue n'est pas câblée", "pourquoi les jeunes ont-ils le droit d'arpenter les allées du Parc à vélo ou en roller", "pourquoi vous ne faîtes rien contre les nuisances sonores", "pourquoi n'y a t-il pas plus de couleurs dans les rames de métro ?".....

Faisons preuve de mansuétude et pardonnons-leur. Quoi que fassent nos élus il y aura toujours un groupuscule de mécontents, insensibles et hermétiques, qui s'opposeront inconditionnellement à toute initiative.

Car cette oeuvre pensée par les instances lyonnaises ne pourrait-elle pas émerveiller ces générations conditionnées par les feuilletons brésiliens et les mangas japonais, leur apportant temporairement un nuage de bonheur, une joie qui se dessinerait sur certaines frimousses qui, tout en voyant cette sarabande coloriée guerroyer comme au temps de Charles Quint, sacrifieraient pour un instant leur animosité citadine.

Benoit Valenza